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La chronique de Gérard BRETON n°3 : Les secrets intimes de la belle Aurelia - Avril 2006

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Tous les mois, Gérard BRETON vous donne rendez-vous pour une nouvelle chronique.

Pour ce troisième numéro, il a choisi de nous entretenir sur les secrets intimes d'Aurelia aurita, méduse que l'on croise dans le port du Havre.

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Retrouvez le texte complet et illustré de la chronique de Gérard BRETON ci-dessous.
LES SECRETS INTIMES DE LA BELLE AURELIA

Conférence par Gérard Breton

La belle Aurelia, Aurelia aurita de son état-civil complet, est une méduse qui nage en se contractant rythmiquement. Nous allons essayer de découvrir les secrets de sa reproduction et de sa multiplication asexuée en alternant les observations en plongée sous-marine dans les eaux du port du Havre, et les observations sous la loupe binoculaire ou sous le microscope, au laboratoire. Ici, elle nous présente, de profil, une ombrelle bombée dans l'épaisseur de laquelle on distingue des canaux radiaires. Le bord de l'ombrelle montre des points brillants régulièrement espacés qui sont des organes sensoriels et d'équilibration et porte une couronne de tentacules. Les tentacules, comme tout le corps de la méduse, portent des microvésicules venimeuses, les cnidocystes, qui rendent le contact d'autres espèces « d'orties de mer » extrèmement urticant, voire dangereux. Ce n'est pas le cas d'Aurelia aurita (la mal - nommée, aurita signifiant « dorée ») dont le contact est indolore et inoffensif pour l'homme.

Nous allons essayer d'en comprendre la raison en regardant Aurelia par  dessous. La bouche a la forme d'une croix frangée, les quatre lobes buccaux ne laissent passer que des proies microscopiques. Les cnidocystes sont adaptés à immobiliser de très petites proies et ne peuvent traverser l'épiderme humain. Cette Aurelia vue de dessous montre également quatre anneaux blancs incomplets (les livres disent « en fer à cheval »…), ce sont les glandes génitales dont les produits passent d'abord dans la cavité digestive via un trou circulaire visible au milieu de l'anneau, avant de gagner l'extérieur, au moins pour les spermatozoïdes…

…ou bien, pour les gamètes femelles, les petites poches qui frangent les bras buccaux. Les glandes génitales de cette femelle sont plus discrètes, partiellement vidées de leur contenu, par contre, les petites poches ou « saccules » sont bien visibles parce que remplies par les ovocytes.

Et c'est dabs ces saccules que la fécondation aura lieu : nous les voyons ici sous la loupe binoculaire.

Aurelia va incuber les œufs fécondés qui se développent à l'intérieur de ces saccules, vus ici au microscope.

Aux premiers stades du développement, ce sont de simples amas arrondis de cellules, avec un creux au centre (grossissement moyen du microscope).

Les larves vont s'allonger et la couche externe de cellules devient ciliée. La ciliature est ici fripée par la fixation à l'eau de mer formolée. On distingue en outre, parmi les cellules de la couche externe, des cnidocystes, présents dès ce stade, plus brillants. L'un d'eux, sous la forme d'un trait raide issu de la couche externe, a même fonctionné. La ciliature de ces larves leur permet de nager. Elles vont quitter les sacs buccaux de leur mère, et, après un très court épisode de vie libre, se fixer, se métamorphoser et se transformer en polype.

Un groupe de polypes, sur la coque d'une épave. [polype, du grec poly-=plusieurs ; pe, pour podos = pied, allusion aux tentacules]

Un autre groupe. Chaque polype est fixé par le pied, possède une colonne et une couronne de tentacules autour d'un disque. Il mesure quelques millimètres de hauteur.

On distingue mieux, à la loupe binoculaire, la structure du polype, que l'on appelle aussi scyphistome. Il ressemble à une anémone de mer miniature : fixation par la base de la colonne, couronne de tentacules entourant un disque au centre duquel une bouche en forme de croix à quatre branches (comme chez la méduse adulte) s'ouvre au sommet d'une éminence. Elle s'ouvre sur une cavité digestive, dépourvue d'anus (comme chez la méduse adulte). Les tentacules apparaissent granuleux : les « grains » sont de groupes de cnidocystes.

L'observation à la loupe binoculaire permet parfois de voir un stolon, probablement laissé dans le « sillage » d'un polype qui a « rampé » sur sa surface de fixation. Sur ce stolon pourront bourgeonner de nouveaux polypes : première opportunité de multiplication végétative, dite aussi asexuée.

On pensait les polypes de Aurelia microphages, capturant le plancton grâce aux cnidocystes de leurs tentacules. Nous avons observé plusieurs fois la capture d'animaux benthiques plus gros, quoique de taille compatible avec celle des polypes. Les tentacules et leurs cnidocystes ont été ici suffisamment forts pour immobiliser cet amphipode d'un centimètre de longueur. Plusieurs polypes se sont trouvés (fortuitement ?) associés dans cette capture. L'amphipode sera ingéré par deux des polypes en quelques jours.

Nous avons plusieurs fois vu un polype « se lécher les doigts », sans pouvoir savoir si il s'agit d'un comportement lié à la prise de nourriture.

Plusieurs fois également, nous avons observé des polypes détachés de leur support (accidentellement au cours des manipulations ?) se refixer…par les tentacules, avant de s'arquer et de se réimplanter plus classiquement.

L'hiver est une période de jeûne pour les polypes. L'eau s'est refroidie et il n'y a presque plus de plancton. Alors, en février – mars, commence une étrange histoire. Les polypes semblent se segmenter.

Cette division commence côté tentacules et progresse vers la base de la colonne : on parle de strobilation Le polype est devenu un strobile. Il cesse de s'alimenter, ses tentacules vont d'ailleurs disparaître plus ou moins rapidement. Le strobile a la structure d'une pile d'assiettes : il se forme ainsi de une à une vingtaine d'assiettes. La strobilation affecte le plus souvent la totalité de la colonne, plus rarement une partie sulement. Notons qu'un polype proche du strobile possède un petit bourgeon, futur polype : seconde (bourgeonnement) et troisième (strobilation) opportunités de multiplication asexuée.

Sous la loupe binoculaire, on constate que la strobilation a formé deux disques.

Revenons en plongée sous-marine, et sortons notre loupe immergeable pour observer de plus près ce groupe de strobiles. Certains semblent plus gros, moins visibles, plus roses. A ce stade, les strobiles absorbent de l'eau, leur diamètre augmente, ils deviennent plus transparents. Les tentacules du polype ont complètement disparu. Sur les bords de chaque disque, des lobes se forment.

Entre les lobes, on distingue sous la forme de points blancs les mêmes organes sensoriels que ceux que nous avons vus chez la méduse adulte.

Un strobile « mûr » est en fait un empilement de minuscules méduses que l'on appelle des « éphyres » et qui sont encore solidaires les unes des autres.

Une à une, elles vont quitter leur strobile…

… jusqu'à ce qu'il n'en reste qu'une. L'éphyre sur le point de quitter le strobile – cette dernière aussi bien que celles qui l'ont précédée - commence à battre rythmiquement, comme elle le fera, ainsi que l'adulte, en pleine eau (à un rythme d'autant plus lent que l'animal est plus gros).

Et bientôt le lien avec le pédoncule se rompt, et notre éphyre se retrouve, libre, au milieu du gazon de polypes et de strobiles à divers stades.

A la loupe binoculaire, notre éphyre montre huit lobes échancrés et, au fond de chaque échancrure, l'organe sensoriel. Il n'y a pas encore de tentacule. On distingue au centre, les futures glandes génitales et la croix des bras buccaux, encore très petits.

A un stade à peine plus évolué, l'éphyre qui mesure huit millimètres de diamètre, évolue en pleine eau. Il lui reset à grandir, à régulariser le bord de son ombrelle, à acquérir des tentacules et à développer ses bras buccaux.

Au diamètre d'un centimètre et demi, notre jeune méduse ne ressemble déjà plus à une éphyre.

Sur l'image de cette Aurelia adulte en fin de vie (elle a perdu ses tentacules), récapitulons les secrets de la reproduction de Aurelia aurita : à la méduse la reproduction sexuée, au polype les différents modes de multiplication asexuée, qui permettent de multiplier par un facteur 10 à 20 le nombre d'individus adultes à la génération suivante, par rapport au nombre d'œufs fécondés ou de larves qui se fixeront. C'est pourquoi on peut assister, à la belle saison, à une prolifération de méduses dans les ports ou dans les bassins paraliques. Cette alternance de générations polypes / méduses se retrouve dans le groupe d' Aurelia aurita, les grosse méduses et aussi chez les Hydraires où les polypes sont souvent coloniaux. Mais, chez tous ces Cnidaires, une phase ou l'autre peut être réduite ou absente.
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