
Jeudi 3 mars 2022 à 20h
Intervenant : Marie Peltier, Historienne, enseignante à la Haute École Galilée de Bruxelles, spécialiste du complotisme.
On peut considérer le 11 septembre 2001 comme le mythe fondateur des conspirationnistes contemporains. Événement traumatique si l'en est, sur lequel sont venus se greffer une série de récits et de contre-récits, il fut le socle d'une réactivation de fonds mémoriels anciens. D'une part il y a une couleur civilisationnelle donnée à l'événement par le Président Bush et ses alliés à travers le monde : « l'axe du Mal », « la guerre contre la terreur », soit une remobilisation sémantique de la vieille dualité civilisation/barbarie. Un pacte aussi, « soit vous étes avec nous, soit vous êtes contre nous », auquel nombre de citoyens ne se sont pas identifiés Pacte scellé par les politiques sécuritaires qui ont suivi et par les interventions en Afghanistan et en Irak.
En face, certains acteurs de propagande ont profité de ce qui était perçu comme la remise en branle de la domination multiséculaire de l'Occident pour offrir un contre-récit, présenté comme « alternatif». Ce contre-récit vient lui aussi charrier des haines anciennes et s'arrime largement à l'imaginaire conspirationniste et antisémite.
C'est ici toute la genèse de la polarisation du récit contemporain, qui est à considérer comme une hydre à deux têtes, brassant à la fois la sémantique civilisationnelle et la pensée antisystème. Deux trames narratives qui, loin de s'opposer, brodent ensemble depuis 20 ans le récit de ce siècle.